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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/12

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– J’apporte une lettre, dis-je, pour M. Ebenezer Balfour de Shaws. Est-il ici ?

– De qui, la lettre ? demanda l’homme au tromblon.

– Cela ne vous regarde pas, dis-je, car j’étais de plus en plus irrité.

– Bon, répliqua-t-il, posez-la sur le seuil, et allez-vous-en.

– Jamais de la vie ! m’écriai-je. Je la remettrai en mains propres à M. Balfour, ainsi que je le dois. C’est une lettre d’introduction.

– Une quoi ? cria la voix, vivement.

Je répétai ce que je venais de dire.

– Qui êtes-vous donc, vous-même ? questionna-t-on enfin, après une pause considérable.

– Je ne rougis pas de mon nom. On m’appelle David Balfour.

À ces mots, je suis sûr que l’homme tressaillit, car j’entendis le tromblon heurter l’appui de la fenêtre ; et ce fut après un silence prolongé, et avec un singulier changement de ton, que l’on me posa cette question :

– Est-ce que votre père est mort ?

La surprise me coupa la respiration, et il me fut impossible de répondre. Je demeurai béant.

– Oui, reprit l’homme, c’est qu’il est mort, il n’y a pas de doute ; et voilà pourquoi vous venez démolir ma porte… (Encore une pause, et puis, avec méfiance :) – Allons, l’ami, je vais vous faire entrer.

Et il disparut de la fenêtre.


III. Je fais connaissance de mon oncle


Il se fit alors un grand riqueraque de chaînes et de verrous, la porte fut ouverte précautionneusement, et refermée derrière moi sitôt que je l’eus franchie.

– Allez dans la cuisine, et ne touchez à rien, dit la voix ; tandis que l’hôte de la maison s’occupait à réassujettir les défenses de la porte, je m’avançai à tâtons jusque dans la cuisine.

À la lueur du feu qui brûlait assez clair, je distinguai la chambre la plus nue que j’aie jamais vue. Une demi-douzaine de plats garnissaient l’étagère ; il y avait sur la table, pour le souper, une jatte de porridge[3], une cuiller de corne, et un gobelet de petite bière. En dehors des objets susdits, rien, sous la voûte de pierre de cette grande salle vide, que des coffres fermés à clef et alignés le long du mur, et un buffet d’angle à cadenas.