Aller au contenu

Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s que j’ai eu des difficultés avec votre agent, M. Rankeillor ; difficultés qui, si elles ne sont pas tôt résolues, pourraient vous attirer des ennuis. J’ai tiré un chèque sur vous, entre parenthèses, et suis, monsieur, Votre très humble et obéissant serviteur.

Elias Hoseason

– Vous voyez, David, reprit mon oncle, aussitôt que j’eus fini, je suis en affaires avec cet Hoseason, le capitaine d’un brick de commerce, le Covenant, de Dysart. Maintenant, si vous voulez que nous accompagnions ce garçon, j’irai voir le capitaine à son auberge, ou mieux à bord du Covenant, pour le cas où il aurait des papiers à signer ; et, loin de perdre du temps, nous pousserions par la même occasion jusque chez le notaire[9], M. Rankeillor. Après ce qui s’est passé, vous ne me croiriez sans doute pas sur parole ; mais vous en croirez M. Rankeillor. C’est l’agent d’affaires de la moitié de la noblesse du pays ; il est vieux, sans doute, mais très respecté ; et, de plus, il a connu votre père.

Je réfléchis une minute. Il s’agissait d’aller à un port d’embarquement, sans nul doute populeux, où mon oncle n’oserait tenter aucune violence contre moi ; en attendant la compagnie de ce mousse m’était une sauvegarde. Une fois là-bas, je comptais obliger mon oncle à aller chez le notaire, même si son offre actuelle n’était pas sérieuse ; et peut-être aussi, dans le fond du cœur, souhaitais-je voir de près la mer et des navires. Il faut se rappeler que j’avais passé toute ma jeunesse dans les montagnes de l’intérieur, et que je venais, deux jours auparavant, de voir pour la première fois le Forth étalé devant moi comme une dalle bleue, avec les navires faisant voile à sa surface, pas plus gros que des joujoux. Tout compte fait, ma décision fut prise.

– Très bien, dis-je, allons à Queensferry.

Mon oncle mit son habit et son chapeau, et se boucla au côté un vieux coupe-choux rouillé ; puis on éteignit le feu, et, la porte fermée, nous nous mîmes en route.

Le vent, établi dans ce rhumb glacial du nord-ouest, nous soufflait presque au visage. On était en juin ; l’herbe était toute blanche de marguerites, et les arbres de fleurs ; mais, à en juger d’après nos ongles bleuis et nos poignets douloureux, on se serait cru en hiver, par une gelée de décembre.

L’oncle Ebenezer marchait dans le fossé, se balançant de droite à gauche comme un vieux laboureur qui revient des champs. Il ne prononça pas un mot de toute la route ; et je fus réduit à la conversation du mousse. Il me raconta qu’il s’appelait Ransome, et qu’il naviguait depuis l’âge de neuf ans, mais qu’il ne savait plus actuellement son âge, car il avait perdu son compte. Il me fit voir ses tatouages, découvrant sa poitrine en plein vent malgré mes remontrances, car je