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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/43

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longue épée au côté. Ses manières étaient d’ailleurs élégantes, et il complimenta fort joliment le capitaine. Bref, je pensai de cet homme, à première vue, que j’aimerais mieux l’avoir pour ami que pour ennemi. Le capitaine, de son côté, faisait ses remarques, mais il s’occupait davantage des habits que de la personne. Et en vérité, sous le surtout, il apparut d’une élégance bien raffinée pour la dunette d’un brick de commerce : chapeau à plume, gilet rouge, culotte de velours noir, habit bleu à boutons d’argent et fines dentelles d’argent ; tous vêtements de prix, quoiqu’un peu gâtés par le brouillard, et par le fait de coucher tout habillé.

– Je suis désolé, monsieur, pour votre barque, dit le capitaine.

– Il y a quelques braves gens partis au fond de l’eau, dit l’étranger, que j’aimerais mieux voir sur la terre ferme plutôt qu’une demi-douzaine de barques.

– De vos amis ? dit Hoseason.

– Des amis comme il n’y en a pas chez vous. Ils seraient morts pour moi comme des chiens.

– Tant pis, monsieur, dit le capitaine, toujours le regardant – il y a plus d’hommes sur la terre que de bateaux pour les y mettre.

– C’est ma foi vrai, s’écria l’autre, et vous me semblez un gentleman de profonde pénétration.

– J’ai été en France, dit le capitaine d’une telle façon qu’il voulait dire évidemment plus que sa phrase n’en avait l’air.

– Ma foi, monsieur, dit l’autre, il y a maints jolis garçons logés à la même enseigne.

– Sans doute, monsieur, dit le capitaine, et de jolis habits aussi.

– Oh ! dit l’étranger, est-ce par là que vient le vent ? Et il porta vivement la main à ses pistolets.

– Ne soyez pas si pressé, dit le capitaine. Ne faites pas un malheur avant d’en savoir la nécessité. Vous avez sur le dos un habit de soldat français et dans la bouche une langue écossaise, c’est certain ; mais il en va de même aujourd’hui pour quantité d’honnêtes gens, et qui n’en valent pas moins.

– Ouais ? dit le gentilhomme au bel habit. Seriez-vous du parti honnête ?

Il voulait dire : Êtes-vous jacobite, car de chaque côté, dans ce genre de dissensions civiles, on revendique pour soi le privilège de l’honnêteté.

– Ma foi, monsieur, répondit le capitaine, je suis un protestant bon teint, et j’en remercie Dieu. (C’était le premier mot quelconque de religion que je lui entendais prononcer, mais je sus plus tard qu’il était fort assidu à l’église, une fois à terre.) – Malgré cela, continua-t-il, je regrette de voir un de mes semblables mis le dos au mur.

– En vérité, demanda le jacobite. Eh bien, monsieur, pour être franc avec vous, je suis l’un de ces gentlemen qui eurent des ennuis vers l’an 45-46 ; et (toujours pour être franc avec vous) si je tombais entre les mains de ces messieurs de l’habit rouge, il est probable que cela irait mal pour moi. Maintenant, monsieur, j’allais en France ; il y avait un