Aller au contenu

Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

anglais. Il chanta souvent par la suite cet air, qui devint populaire ; je l’ai entendu, et il me l’a expliqué maintes fois.

Ceci est le chant de l’épée d’Alan :

Le forgeron l’a faite,

Le feu l’a durcie ;

Et elle luit au poing d’Alan Breck.

Ils étaient nombreux et leurs yeux brillaient,

Ils étaient prompts,

Nombreuses leurs mains ;

L’épée était seule.

Les daims légers s’assemblent sur les collines,

Ils sont nombreux, la colline est solitaire ;

Les daims légers s’évanouissent,

La colline reste.

Venez à moi des collines de bruyère,

Venez des îles de la mer,

Ô aigles à la vue perçante,

Voici votre repas !

Or, cette chanson qu’il composa (paroles et musique) à l’heure de notre victoire n’est rien moins que juste envers moi, qui le soutins dans la mêlée. M. Shuan et cinq autres avaient été tués tout à fait ou mis hors de combat ; mais de ceux-ci, deux étaient tombés sous mes coups, les deux arrivés par le vasistas. Quatre autres étaient blessés, dont un (et non le moins dangereux) de ma main. En sorte que, tout compte fait, j’avais ma large part de tués et de blessés, et pouvais réclamer une place dans les vers d’Alan. Mais les poètes sont obligés de penser à leurs rimes ; et en bonne prose parlée, Alan me rendait plus que justice.

Mais, à cette heure, je me souciais peu du tort qui m’était fait. D’abord, je ne connaissais pas un mot de gaélique ; puis, sans doute par suite de la longueur de l’attente, par suite de la fatigue de nos deux engagements, et surtout de l’horreur que je ressentais d’y avoir participé, la lutte ne fut pas plutôt achevée que j’allai tout chancelant m’asseoir sur une chaise. J’avais la poitrine tellement serrée que je respirais à peine ; je revoyais comme dans un cauchemar les deux hommes que j’avais tués ; et soudain, avant de pouvoir soupçonner ce qui m’arrivait, je me mis à pleurer et sangloter comme un enfant.

Alan me frappa sur l’épaule, me disant que j’étais un brave garçon, et n’avais besoin que de dormir.

– Je vais prendre le premier quart, dit-il. Vous m’avez bien secondé, David, d’un bout à l’autre et je ne voudrais pas vous perdre, pour Appin entier, – non, pas même pour Breadalbane.

Je dressai donc mon lit sur le plancher ; et il prit la première veille,