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L’ÎLE AU TRÉSOR

d’une demi-toise en arrière avec l’agilité et la précision d’un gymnaste exercé.

— Bas les pattes, si tu veux, John Silver… C’est ta mauvaise conscience seule qui te fait avoir peur de moi. Mais au nom du ciel, qu’est-ce que c’était que ça ?

Silver sourit, mais sans se départir de son attention : dans sa grosse figure, son œil, réduit à une simple tête d’épingle, étincelait comme un éclat de verre.

— Ça ? répondit-il. Eh ! il me semble que ce devait être Alan.

À ces mots, l’infortuné Tom se redressa, héroïque :

— Alan ! Alors, que son âme repose en paix : c’était un vrai marin ! Quant à toi, John Silver, tu as été longtemps mon copain, mais tu ne l’es plus. Si je meurs comme un chien, je mourrai quand même dans mon devoir. Tu as fait tuer Alan, n’est-ce pas ? Tue-moi donc aussi, si tu en es capable, mais je te mets au défi.

Là-dessus, le brave garçon tourna le dos au coq et se dirigea vers le rivage. Mais il n’alla pas loin. Avec un hurlement, John saisit une branche d’un arbre, dégagea sa béquille de dessous son bras et la lança à toute volée, la pointe en avant. Ce singulier projectile atteignit Tom en plein milieu du dos, avec une violence foudroyante. Le malheureux leva les bras, poussa un cri étouffé et s’abattit.

Était-il blessé grièvement ou non ? Je crois bien, à en juger par le bruit, qu’il eut l’épine dorsale brisée du coup. Mais Silver ne lui donna pas le loisir de se relever. Agile comme un singe, même privé de sa béquille, le coq était déjà sur lui et par deux fois enfonçait son coutelas jusqu’au manche dans ce corps sans défense. De ma cachette, je l’entendis ahaner en frappant.