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L’ÎLE AU TRÉSOR

avaient disparu, et un nombre stupéfiant de bouteilles avaient été bues à même et rejetées sur place. À coup sûr, depuis le début de la mutinerie, pas un de ces hommes n’avait dégrisé.

En fourrageant çà et là, je trouvai une bouteille qui contenait encore un fond d’eau-de-vie. Je la pris pour Hands ; et pour moi-même je dénichai quelques biscuits, des fruits en conserve, une grosse grappe de raisin et un morceau de fromage. Muni de ces provisions, je regagnai le pont, déposai ma réserve à moi derrière la tête du gouvernail et, sans passer à portée du quartier-maître, gagnait l’avant où je bus à la citerne une longue et délicieuse goulée d’eau. Alors, mais pas avant, je passai à Hands son eau-de-vie.

Il en but bien un quart de pinte avant de retirer la bouteille de sa bouche.

— Ah ! cré tonnerre ! j’en avais besoin ! fit-il.

Pour moi, assis dans mon coin, j’avais déjà commencé à manger.

— Fort blessé ? lui demandai-je.

Il grogna, ou je devrais plutôt dire, il aboya :

— Si ce docteur était à bord, je serais remis sur pied en un rien de temps ; mais je n’ai pas de chance, vois-tu, moi, et c’est ce qui me désole. Quant à ce sagouin-là, il est mort et bien mort, ajouta-t-il en désignant l’homme au bonnet rouge. Ce n’était pas un marin, d’ailleurs… Et d’où diantre peux-tu bien sortir ?

— Je suis venu à bord pour prendre possession de ce navire, maître Hands ; et jusqu’à nouvel ordre vous êtes prié de me considérer comme votre capitaine.

Il me regarda non sans amertume, mais ne dit mot. Un peu de couleur lui était revenue aux joues, bien qu’il parût encore très défait et qu’il continuât