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L’ÎLE AU TRÉSOR

Je m’arrêtai, car, en vérité, j’étais à bout de souffle. À mon grand étonnement, pas un d’entre eux ne broncha, et tous restèrent à me considérer tel qu’un troupeau de moutons. Et tandis qu’ils me regardaient encore, je repris :

— Et maintenant, maître Silver, je crois que vous êtes ici le meilleur de tous : si les choses en viennent au pis, je vous serai obligé de faire savoir au docteur la façon dont je me suis comporté.

— Je ne l’oublierai pas, dit Silver avec une intonation si particulière que je n’aurais pu, même au prix de ma vie, décider s’il se raillait de ma requête ou si mon courage l’avait favorablement impressionné.

— J’ajouterai quelque chose à cela, s’écria le vieux marin à teint d’acajou (le nommé Morgan que j’avais vu dans la taverne de Silver, sur les quais de Bristol), c’est lui qui a reconnu Chien-Noir.

— Et tenez, reprit le maître coq, j’ajouterai encore autre chose à cela, cré tonnerre ! c’est ce même garçon qui a subtilisé la carte à Billy Bones. D’un bout à l’autre, nous nous sommes butés contre Jim Hawkins !

— Alors, voici pour lui ! fit Morgan avec un blasphème.

Et il bondit, en tirant son couteau avec une ardeur juvénile.

— Halte-là ! cria Silver. Que te crois-tu donc ici, Tom Morgan ? Capitaine, hein ? Par tous les diables, je t’apprendrai le contraire ! Mets-toi à ma traverse, et tu iras où tant de bons bougres ont été avant toi, du premier au dernier, depuis vingt ans… les uns à bout de vergue, mort de ma vie ! et d’autres par le sabord, et tous à nourrir les poissons. Jamais personne ne m’a regardé entre les deux