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LE CAPITAINE SILVER

un homme de trente-cinq ans, efflanqué, de mauvaise mine et aux yeux jaunes, se dirigea froidement vers la porte et disparut au-dehors. Tour à tour, les autres suivirent son exemple. Chacun saluait en passant et ajoutait quelques mots d’excuse. « Conformément aux règles », dit l’un. « Conseil de gaillard d’avant », dit Morgan. Et successivement tous sortirent ainsi, et je restai seul avec Silver devant la torche.

À l’instant, le maître coq lâcha sa pipe.

— Maintenant, attention, Jim Hawkins, me dit-il d’une voix nette, mais si bas que je l’entendais à peine, tu es à deux doigts de la mort et, ce qui est bien pire, de la torture. Ils vont me destituer. Mais, note-le, je te soutiendrai à travers tout. Je n’en avais pas l’intention, certes, jusqu’à l’heure où tu as parlé. J’étais quasi désespéré de perdre toute cette grosse galette, et d’être pendu par-dessus le marché. Mais j’ai vu que tu étais de la bonne sorte. Je me suis dit en moi-même : « Soutiens Jim Hawkins, John, et Hawkins te soutiendra. Tu es sa dernière carte et, par le tonnerre de Dieu, John, il est la tienne. Dos à dos, c’est dit. Tu sauves ton témoin à décharge, et il sauvera ta tête ! »

Je commençais vaguement à comprendre. Je l’interrogeai :

— Vous voulez dire que tout est perdu ?

— Oui, sacrédié, que je le dis ! répondit-il. Le navire parti, adieu ma tête : ça se résume là. Quand j’ai regardé dans la baie, Jim Hawkins, et que je n’ai plus vu la goélette… eh bien, je suis un dur à cuire, mais j’ai renoncé. Pour ce qui est de cette bande et de leur conseil, note-le, ce sont des sots et des couards en plein. Je te sauverai la vie, si cela est en mon pouvoir, malgré eux. Mais atten-