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L’ÎLE AU TRÉSOR

Je m’étonnais de le voir supporter si bien ces mépris et s’efforcer avec son inlassable politesse de rentrer en grâce auprès de tous. Mais personne ne le traitait guère mieux qu’un chien ; sauf peut-être Ben Gunn, qui gardait toujours une peur affreuse de son ancien quartier-maître, ou encore moi-même, qui avais envers lui de réels motifs de gratitude, bien que sur ce point j’eusse des raisons de penser de lui plus de mal que n’importe qui, après l’avoir vu sur le plateau méditer une nouvelle traîtrise. En conséquence, ce fut d’un ton fort bourru, que le docteur lui répliqua :

— Ivres ou dans le délire…

— Vous avez raison, monsieur, reprit Silver, et peu nous importe lequel des deux, à vous comme à moi.

Avec un ricanement le docteur repartit :

— Vous ne prétendez sans doute pas au titre d’homme humain, maître Silver ? Aussi mes sentiments vous surprendront peut-être. Mais si j’étais certain qu’ils délirent — et je suis moralement sûr que l’un d’eux, au moins, est malade de la fièvre — je quitterais ce camp et risquerais ma peau afin de leur porter les secours de mes lumières.

— Sauf votre respect, monsieur, vous auriez bien tort, déclara Silver. Vous y laisseriez votre précieuse vie, soyez-en sûr. Je suis de votre côté, à présent, nous sommes de mèche, et je ne désire pas voir notre parti diminué, surtout de votre personne, après ce que je vous dois. Non, ces hommes-là sont incapables de tenir leur parole, même à supposer qu’ils le veuillent ; et, de plus, ils ne croiraient pas que vous sauriez, vous, tenir la vôtre.

— Évidemment, fit le docteur, vous êtes, vous, celui qui tient sa parole, nous savons ça.

Ce furent à peu près les dernières nouvelles que