Page:Stevenson - La Flèche noire.djvu/241

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voix naturelle, voilà ce que je craignais, j’ai perdu le ton geignard, et, avec votre permission, bon maître Shelton, je m’exercerai dans ces campagnes avant de risquer mon gros cou en entrant chez Sir Daniel. Mais voyez un peu quelle excellente chose c’est, d’être un maître Jacques, bon à tout faire ! Si je n’avais pas été matelot, vous auriez infailliblement coulé avec la Bonne Espérance ; si je n’avais pas été un voleur, je n’aurais pas pu vous peindre la figure ; et, si je n’avais pas été un Frère Gris, chantant haut dans le chœur et mangeant bien au réfectoire, je ne pourrais pas porter ce déguisement, sans que les chiens eux-mêmes nous découvrent et nous aboient après.

Il était arrivé près de la fenêtre de la ferme, et il se leva sur la pointe des pieds pour regarder à l’intérieur.

— Bon, s’écria-t-il, de mieux en mieux. Nous allons joliment mettre à l’épreuve nos fausses têtes, et par-dessus le marché nous ferons une bonne farce à Frère Capper.

Et, ce disant, il ouvrit la porte et entra. Trois hommes de leur propre compagnie étaient assis à table et mangeaient avec voracité. Leurs poignards enfoncés à côté d’eux dans la table, et les regards menaçants et sombres qu’ils continuaient à lancer aux habitants de la maison, prouvaient qu’ils étaient redevables de leur festin plutôt à la force qu’à la bonne grâce. Ils parurent se tourner avec