Page:Stevenson - Le Maître de Ballantrae, 1989.djvu/205

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d’une cotte d’armes. Et il n’était pas non plus assez illogique pour retrancher un iota de ses confessions. « Mais à présent que je vous connais pour un être humain, disait-il, je veux bien prendre la peine de m’expliquer. Car je vous assure que je suis sensible, et que j’ai mes vertus, comme mes voisins. » Je le dis, il m’assommait, car je n’avais qu’une réponse à lui faire, et vingt fois je la lui fis : « Abandonnez votre présent dessein, et retournez avec moi à Durrisdeer : alors, je vous croirai. »

Là-dessus, il hochait la tête. « Ah ! Mackellar, vous pourriez vivre mille ans sans comprendre mon caractère, disait-il ; ce combat est désormais inévitable, l’heure de la réflexion passée depuis longtemps, et celle de la pitié encore loin. Les hostilités ont commencé entre nous lorsque fut jetée en l’air cette pièce, dans la salle de Durrisdeer, il y a vingt ans ; nous avons eu nos hauts et nos bas, mais jamais aucun de nous deux n’a songé à capituler ; et, quant à moi, lorsque mon gant est jeté, ma vie et mon honneur en dépendent.

– Foin de votre honneur ! disais-je. Et, avec votre congé, ces comparaisons guerrières sont de trop haut vol pour l’affaire en question. C’est un peu de vil métal que vous voulez ; tel est le fond de votre dispute ; et quant aux moyens, lesquels employez-vous ? susciter le chagrin dans une famille qui ne vous a jamais fait de mal, débaucher (si possible) votre propre neveu, et crever le cœur de votre frère ! Un chemineau qui assomme à coups d’ignoble trique une vieille, en train de filer sa laine, et cela pour une pièce de un shilling et un cornet de prise… voilà un guerrier de votre espèce.

Lorsque je l’attaquais ainsi (ou dans le même genre) il se prenait à sourire, et à soupirer comme quelqu’un d’incompris. Une fois, je me souviens, il se défendit plus au long, et me servit quelques sophismes curieux, dignes d’être rapportés, comme éclairant son caractère.

– Vous ressemblez fort à un civil qui se figure que toute la guerre consiste en tambours et drapeaux, dit-il. La guerre (comme les Anciens disaient très justement) est l’ultima ratio. Profiter implacablement de nos