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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

aucune ambition, j’étais un inutile et vous me méprisiez. Je n’oserai pas dire que cela fût sans raison ; mais, pour être juste de part et d’autre, il faut vous rappeler comment j’ai agi. Quand je vis que cela vous amusait de jouer le rôle de princesse sur votre petite scène, ne vous abandonnai-je pas immédiatement ce Grunewald, ma boîte de jouets ? Et quand je vis que je vous déplaisais comme mari, jamais mari se montra-t-il moins gênant que moi ? Vous me direz que ce n’est pas chez moi une affaire d’affection ni de préférence, et que par conséquent je ne dois m’en faire aucun mérite, que je vais où le vent me mène, que tout cela, enfin, est dans mon caractère. Certes, il est bien vrai que c’est chose facile, trop facile, de ne rien faire. Mais, Séraphine, je commence à reconnaître que ce n’est pas toujours sage. Quoique trop vieux et trop peu sympathique pour vous être un bon mari, j’aurais cependant dû me souvenir que j’étais le prince de ce pays où vous vîntes, étrangère, enfant. De ce côté il y avait aussi des devoirs qui m’appelaient : ces devoirs je ne les ai pas accomplis.

C’est un moyen sûr de faire offense que de réclamer l’avantage des années : — Devoirs ! dit Séraphine en riant. Sur vos lèvres, à vous, ce mot ! Vous me faites rire ! Qu’est-ce que cette billevesée ? Allez, allez conter fleurette aux filles, et soyez toujours le prince en porcelaine de Saxe dont vous avez si bien l’air. Amusez-vous, mon enfant, et laissez-nous les devoirs et les affaires.

Ce pluriel sonna désagréablement aux oreilles du prince. — Je me suis déjà trop amusé, dit-il,