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PRINCE ERRANT


— Cela m’est égal, vous êtes bon ! répéta en rougissant la jeune fille, un peu mortifiée de n’avoir pu comprendre.

— Une chose au moins est claire, répliqua Othon, c’est que vous êtes bonne, vous.

— Ah ! voilà bien ce qu’ils disaient tous de vous, dit Ottilie, moralisant. Quelle langue pour enjôler les gens ! Quelle langue de flatteur !

Le prince se prit à rire d’un petit air satisfait :

— Oh ! mais vous oubliez, dit-il, que je suis un homme tout à fait passé !

— À vous entendre on vous prendrait pour un enfant, et, prince ou non, si vous veniez me déranger à ma cuisine, je vous attacherais un torchon aux basques… Bonté Divine ! ajouta-t-elle, se reprenant, il faut espérer que Votre Altesse me pardonnera. Ma foi, je ne peux jamais m’en souvenir !

— Ni moi non plus, dit Othon, et voilà justement ce qu’on me reproche.

Ils avaient en ce moment tout l’air d’un couple amoureux ; le grondement de la chute d’eau les forçait, il est vrai, d’élever la voix au-dessus du diapason ordinaire des amoureux, mais, à quelque observateur jaloux les épiant d’en haut, leur gaieté et leur rapprochement pouvaient facilement donner de l’ombrage.

Une voix rude, venant d’un buisson de ronces, se mit à appeler Ottilie par son nom. Elle pâlit : — C’est Fritz, dit-elle ; il faut que je parte.

— Partez donc, ma chère. Inutile de vous dire : partez en paix, car vous avez, je crois, découvert que de près je ne suis pas fort à craindre. Et, d’un