Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/324

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cette vie lui est sacrée et que l’idée d’y attenter lui fait horreur est un homme — religieux.

Weitling impute au « désordre social » tous les crimes qui se commettent, et il espère que sous le régime communiste les crimes deviendront impossibles, les mobiles (l’argent, par exemple) en ayant disparu. Mais son bon naturel l’égare, car la société organise, telle qu’il l’entend, sera, elle aussi, sacrée et inviolable. Il n’y manquera pas de gens qui, la bouche pleine de professions de foi communistes, travailleront sous main à sa ruine. Somme toute, Weitling est bien obligé de s’en tenir aux « moyens curatifs » à opposer aux maladies et aux faiblesses inséparables de la nature humaine ; mais ce mot « curatif » n’indique-t-il pas déjà que l’on considère les individus comme « voués » à une certaine « cure » et qu’on va leur appliquer les remèdes qu’ « appelle » leur nature d’hommes ?

Le remède et la cure ne sont que l’autre face du châtiment et de l’amendement, la thérapeutique du corps fait le pendant de la diététique de l’âme. Si celle-ci voit dans une action un péché contre le Droit, celle-là y voit un péché de l’homme contre lui-même, le dérangement de sa santé. Ne vaudrait-il pas mieux considérer simplement ce que cette action a de favorable ou de défavorable pour Moi et voir si elle m’est amie ou ennemie ? Je la traiterais alors comme ma propriété, c’est-à-dire que je la conserverais ou la détruirais à mon gré.

« Crime » et « maladie » ne sont point des noms qui s’appliquent à une conception égoïste des choses qu’ils désignent ; ce sont des jugements portés non pas par Moi mais par un autre, sur l’offense faite au Droit en général, ou à la Santé, que ce soit la santé de l’individu (du malade) ou de la généralité (de la Société). On n’a aucun ménagement pour le « crime », tandis qu’on use envers la « maladie » de douceur, de compassion, etc.