Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est que plus tard que commence le rude combat contre la raison, et avec lui s’ouvre une nouvelle phase de notre vie. Enfants, nous nous étions trémoussés sans beaucoup rêver.

L’Esprit est le premier aspect sous lequel se révèle à nous notre être intime, le premier nom sous lequel nous divinisons le divin, c’est-à-dire l’objet de nos inquiétudes, le fantôme, la « puissance supérieure ». Rien ne s’impose plus désormais à notre respect ; nous sommes pleins du juvénile sentiment de notre force, et le monde perd à nos yeux tout crédit, car nous nous sentons supérieurs à lui, nous nous sentons Esprit. Nous commençons à nous apercevoir que nous avions jusqu’ici regardé le monde sans le voir, que nous ne l’avions jamais encore contemplé avec les yeux l’Esprit.

C’est sur les puissances de la nature que nous essayons nos premières forces. Nos parents nous en imposent comme des puissances naturelles ; plus tard, on dit « il faudrait abandonner père et mère pour que toute puissance naturelle fût brisée ! » Un jour vient où on les quitte et où le lien se rompt. Pour l’homme qui pense, c’est-à-dire pour l’homme « spirituel », la famille n’est pas une puissance naturelle et il doit faire abstraction des parents, des frères et sœurs, etc. Si ces parents « renaissent » dans la suite comme puissances spirituelles et rationnelles, ces puissances nouvelles ne sont plus du tout ce qu’elles étaient à l’origine.

Ce n’est pas seulement le joug des parents, c’est toute autorité humaine que le jeune homme secoue : les hommes ne sont plus un obstacle devant lequel il daigne s’arrêter, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Le nouveau point de vue auquel il se place est le — céleste, et, vu de cette hauteur, tout le « terrestre » recule, se rapetisse et s’efface dans une lointaine brume de mépris.

De là, changement radical dans l’orientation intellectuelle du jeune homme et souci chez lui exclusif