Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/68

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réplique ton interlocuteur, c’est ta destinée, quoique tu sois encore à présent le prisonnier d’un corps, de devenir quelque jour un esprit bienheureux ; et si tu peux te figurer l’aspect futur de cet esprit, il est également certain que dans la mort tu abandonneras ce corps, et que ce que tu garderas pour l’éternité ce sera toi, c’est-à-dire ton Esprit. Par conséquent, ce qu’il y a de véritable et d’éternel en toi, c’est ton esprit ; le corps n’est que ta demeure en ce monde, demeure que tu peux abandonner et peut-être changer pour une autre. »

Te voilà convaincu ! Pour le moment, en vérité, tu n’es pas un pur Esprit, mais lorsque tu auras émigré de ce corps périssable, tu pourras te tirer d’affaire sans lui ; aussi est-il nécessaire de prendre tes précautions et de soigner à temps ton « moi » par excellence : « Que servirait-il à l’homme de conquérir l’univers, s’il devait pour cela faire tort à son âme ? »

De graves doutes se sont élevés au cours des temps contre les dogmes chrétiens et t’ont dépouillé de ta foi en l’immortalité de ton esprit. Mais un dogme est resté debout : tu es toujours fermement convaincu que l’Esprit est ce qu’il y a de meilleur en toi et que le spirituel doit primer en toi tout le reste. Quel que soit ton athéisme, tu communies avec les croyants en l’immortalité dans leur zèle contre l’Égoïsme.

Qu’entends-tu donc par un égoïste ? Celui qui, au lieu de vivre pour une idée, c’est-à-dire pour quelque chose de spirituel, et de sacrifier à cette idée son intérêt personnel, sert au contraire ce dernier. Un bon patriote, par exemple, porte son offrande sur l’autel de la patrie, et que la patrie soit une pure idée, cela ne fait pas de doute, car il n’y a ni patrie ni patriotisme pour les animaux, auxquels l’esprit est interdit, ou pour les enfants encore sans esprit. Celui qui ne se montre pas bon patriote décèle son égoïsme