Page:Strabon - Géographie, trad., Tardieu, tome I, livres I à VI, 1867.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

séparés et distincts, je crois pouvoir affirmer que le nom d'Éthiopie désignait de même pour eux toute la région méridionale de la terre baignée par l'Océan. Et voici qui le prouve. C'est d'abord un passage du Prométhée déchaîné d'Eschyle[1]:

« [Là tu verras] l'Érythrée rouler ses flots sacrés sur un sable rougi, et s'étendre non loin de l'Océan, ce lac aux reflets d'airain, ce lac, source de richesses pour l'Éthiopien, où le soleil, qui voit toute chose, vient plonger sans cesse son corps immortel et par les chaudes ablutions d'une eau doucement pénétrante retremper l'ardeur de ses coursiers fatigués. »

Comme c'est, en effet, dans toute la longueur du climat méridional que l'Océan rend au soleil le service dont parle le poète et se trouve avoir par rapport à l'astre du jour la position indiquée dans ces vers, on peut en conclure, ce semble, qu'Eschyle croyait les Éthiopiens répandus réellement sur toute la longueur du climat méridional. On lit maintenant dans le Phaéthon d'Euripide que Clymène avait été donnée à Mérops,

« Mérops, souverain maître de cette terre que, du haut de son rapide quadrige, le soleil levant frappe d'abord de ses feux dorés : ses noirs voisins l'appellent l'étincelante étable où se reposent les coursiers de l'aurore et du soleils[2] »

Dans le présent passage, à la vérité, le poète attribue « l'étincelante étable » en commun aux coursiers de l'Aurore et à ceux du Soleil; mais dans tout ce qui suit il se borne à dire qu'elle est placée non loin du palais de Mérops. Or, cette donnée géographique, par la façon du moins dont elle est liée à l'ensemble du drame, ne saurait s'entendre exclusivement de notre Éthiopie, limitrophe de l'Égypte, et elle nous paraît embrasser plutôt toute l'étendue des côtes de l'Océan, d'une extrémité à l'autre du climat méridional.

  1. Cf Ahrens : Aeschyli fragmenta (Paris, Didot, 1843), p. 190-191.
  2. Cf. Wagner : Euripidis fragmenta (Paris, Didot, 1846), p. 801.