Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/352

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assemblée, il présenta la main à son beau-père affaibli par l’âge (ce qui, en vérité, ne justifie pas suffisamment ce titre, car il y a plus d’impiété à ne pas s’acquitter de ce devoir que de piété à le remplir) ; soit pour avoir sauvé la vie à ceux qu’Adrien, pendant sa maladie, avait ordonné de tuer ; soit parce qu’après la mort de ce prince il lui fit rendre, contre le sentiment général, des honneurs sans fin et sans mesure ; soit parce qu’Adrien ayant voulu se donner la mort, il sut, à force de vigilance et de soins, l’empêcher d’accomplir cette résolution ; soit enfin, ce qui est plus vraisemblable, à cause de sa bonté immense et du bonheur constant dont on jouit sous son règne. Il plaça son argent au denier trois, c’est-à-dire au plus bas intérêt, et il aida de son patrimoine un grand nombre de personnes. Il signala sa questure par des libéralités, sa préture par ses magnificences. Il partagea le consulat avec Catilius Sévère. Il passa presque tout le temps de sa vie privée à la campagne, et il se conduisit partout avec distinction. Adrien le mit au nombre des quatre consulaires à qui était confiée l’administration de l’Italie, et lui donna le gouvernement de la partie de ce territoire où il avait le plus de possessions, conciliant ainsi la gloire et la tranquillité d’un tel homme.

III.

Tandis qu’il gouvernait l’Italie, un présage lui fut donné de son avénement à l’empire. En effet, au moment où il montait sur son tribunal, il entendit, entre autres acclamations, ces paroles : « Auguste, que les dieux vous conservent ! » Il surpassa dans son proconsulat d’Asie la gloire de son aïeul, demeurée jusqu’à lui sans rivale. Il reçut encore, durant ces fonctions, un présage de l’empire ; car la prêtresse de Tralles, au lieu de le saluer de son titre, comme elle le faisait pour tous les autres, et de dire, « Salut, proconsul, » lui dit : « Salut, empereur. » Dans la ville de Cyzique, une couronne fut transportée de la statue d’un dieu sur la sienne. Après son consulat, un taureau en marbre, placé dans un verger, se trouva suspendu par les cornes aux branches d’un arbre, qui l’avait soulevé en grandissant. La foudre tomba, par un beau temps, dans sa maison, sans y causer aucun dommage. En Etrurie, des tonneaux qu’on avait enfouis furent trouvés sur le sol. Des essaims d’abeilles couvrirent ses statues dans toute l’étendue de ce pays. Il fut souvent averti en songe de placer l’image d’Adrien parmi ses dieux pénates.

Il perdit sa fille aînée, au moment de partir pour son proconsulat. On a beaucoup parlé de sa femme, à cause de sa vie déréglée et licencieuse, qui lui causa d’amers et secrets chagrins.

Après son proconsulat, il vécut habituellement à Rome, fut souvent appelé aux conseils d’Adrien, et se déclara toujours, dans les affaires soumises à son expérience, pour le parti de la douceur.

IV.

Voici comme on prétend que se fit son adoption. Après la mort d’Elius Vérus, à qui Adrien avait donné, en l’adoptant, le titre de César, on assembla le sénat. Arrius Antonin s’y rendit, aidant son beau-père à marcher ; et ce fut, dit-on, ce qui le fit adopter par Adrien. Mais ce motif ne peut ni ne doit certainement avoir été le seul, Antonin ayant toujours bien mérité de la république, et s’étant distingué, dans son proconsulat, par la pureté de ses mœurs et par l’utilité de ses actes. Lors donc qu’Adrien eut fait connaître qu’il voulait l’adopter, on fixa un terme