Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/368

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prince, puisqu’étant empereur, il donna au peuple, comme on le verra dans sa vie, le spectacle de près de mille combats de gladiateurs. Ce qui accrédita ce bruit, ce fut de voir le fils d’un si vertueux père réunir en lui des vices qu’on ne trouve même pas dans un maître d’escrime, dans un histrion, dans un esclave de l’arène, enfin dans ceux qui semblent faits pour en donner l’abominable exemple. Mais l’opinion générale est que ce prince fut réellement le fruit d’un adultère ; et l’on sait, en effet, que Faustine se choisissait des amants, à Caïète, parmi les matelots et les gladiateurs. Antonin, à qui l’on conseillait de la répudier, puisqu’il ne la faisait pas périr, répondit : « Si je renvoie ma femme, il faut que je rende aussi sa dot » : il entendait par là l’empire, qu’il tenait de son beau-père, lequel l’avait adopté d’après l’ordre d’Adrien.

La vie d’un prince irréprochable, sa sagesse, son égalité d’âme, sa piété, jettent sur lui un éclat que les vices mêmes de ses proches ne peuvent ternir. Des courtisans artificieux, un fils gladiateur, une épouse infâme, ne l’empêchèrent pas d’être toujours le même. Il a été regardé comme un dieu jusque dans notre siècle, et vous l’avez toujours considéré comme tel, illustre Dioclétien. Il n’est pas pour vous une divinité ordinaire ; vous lui avez voué un culte particulier, et vous formez souvent le vœu d’imiter la vie et la bonté de ce prince, sur lequel Platon lui-même, avec toute sa philosophie, ne l’emporterait pas, s’il revenait au monde. Mais abrégeons cette digression.

XX.

Voici ce qui se passa sous Antonin, après la mort de Vérus. Son corps fut aussitôt rapporté à Rome, et déposé dans le tombeau de ses ancêtres. On lui décerna les honneurs divins. L’empereur, en remerciant le sénat d’avoir décrété l’apothéose de son frère, laissa entendre que l’on devait à ses seuls conseils les victoires remportées sur les Parthes, et qu’il allait enfin commencer à gouverner la république, ayant perdu un collègue qui ne l’y aidait guère. Le sénat comprit, d’après ce discours, qu’il se félicitait de la mort de ce prince. Marc-Aurèle combla de présents, de distinctions et d’honneurs les sœurs, les parents et les affranchis de Vérus. Il était, en effet, extrêmement jaloux de sa réputation ; il s’informait avec soin de ce que chacun disait de lui, et il réformait dans sa conduite ce qu’on lui paraissait y reprendre avec raison.

En partant pour la guerre de Germanie, et avant que le temps du deuil fût expiré, il donna sa fille à Claude Pompéien. Ce dernier, déjà vieux et fils d’un chevalier romain, était originaire d’Antioche, et d’une famille peu ancienne. Comme Lucilla était fille d’une mère qui avait le titre d’Auguste et qu’elle le portait aussi, Marc-Aurèle accorda, dans la suite, deux consulats à Pompéien. Mais ce mariage déplut également à Faustine et à celle qui le contractait.

XXI.

Les lieutenants de Marc-Aurèle combattirent avec succès contre les Maures, qui ravageaient les Espagnes ; et Avidius Cassius, qui dans la suite s’empara du pouvoir, dompta les Bucoles, dont l’Égypte avait eu à souffrir les brigandages.

Au moment même de son départ, Marc-Aurèle perdit, dans sa retraite de Préneste, son