Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/399

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

surtout le préfet Létus, par qui ce prince avait été tué, et lui-même fait empereur. Le consul Falcon lai dit alors: « Il nous est aisé de prévoir comment vous régnerez, puisque vous conservez Létus et Martia, les complices des crimes de Commode. » Pertinax lui répondit : « Consul, vous êtes jeune, et vous ignorez la nécessité de se plier aux circonstances. C'est malgré eux qu'ils ont obéi à Commode, et ils ont montré, dès qu'ils l'ont pu, ce qu’ils n’ont jamais cessé de vouloir. » Flavia Titiana, épouse de Pertinax, fut appelée Auguste le même jour que lui, et il fut le premier qui, en faisant les vœux au Capitole, reçut, avec ce titre, celui de Père de la patrie. On l'investit aussi, en même temps, du pouvoir proconsulaire, et du droit de porter devant le sénat quatre affaires dans la même séance; empressement qui fut regardé comme un mauvais présage. Pertinax se rendit ensuite au palais, qui alors était vide, Commode ayant été tué dans le palais Vectilien. Au tribun qui vint, le premier jour, lui demander le mot d'ordre, il répondit : Combattons, flétrissant ainsi la lâche tranquillité du règne précédent. Ce mot, il l'avait d’ailleurs donné dans toutes les guerres où il avait commandé.

VI.

Les soldats ne purent souffrir un tel reproche, et ils pensèrent aussitôt à choisir un autre empereur. Ce jour-là aussi, Pertinax réunit dans un grand festin les magistrats et les principaux sénateurs; usage que Commode avait négligé. Quand on abattit, le lendemain des calendes, les statues de ce prince, les soldats murmurèrent, d'autant plus que l'empereur avait encore donné le même mot d'ordre. On avait tout à craindre de l’armée sous un chef déjà vieux. En effet, le troisième jour des nones, jour des vœux annuels, les soldats voulurent mener dans leur camp et couronner Triarius Maternus Lascivius, sénateur d’une noble famille ; mais il se sauva tout nu, courut au palais de Pertinax, et sortit ensuite de Rome. Pertinax, de peur de plus grands maux, confirma tout ce que Commode avait donné aux soldats et aux vétérans. Il déclara tenir sa dignité du sénat, quoiqu'il l’eût acceptée sans son aveu. Il s'engagea par serment à ne rechercher personne pour crime de lèse-majesté. Il rappela ceux qu'on avait déportés pour ce crime. Il réhabilita la mémoire de ceux qu'on avait tués. Le sénat voulut donner à son fils le titre de César ; mais Pertinax, qui avait déjà refusé pour sa femme celui d'Auguste, répondit au sujet de son fils : « Quand il l'aura mérité. » Les innombrables nominations faites par Commode ayant introduit le désordre dans les rangs des anciens préteurs, Pertinax fit rendre un sénatus-consulte qui statuait que ceux qui n'avaient pas réellement exercé la préture céderaient le pas aux préteurs véritables. Mais cette mesure excita contre lui la haine de beaucoup de citoyens.

VII.

Il fit revoir le cens et punir sévèrement les délateurs qui étaient en prison ; il fut toutefois moins sévère que les précédents empereurs envers ceux qui pouvaient être accusés à l’avenir du crime de délation, et il gradua les peines suivant la condition de chacun. Pour empêcher le fisc de s'attribuer injustement des successions,