Page:Suarès - Images de la grandeur.djvu/43

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LE PRINCE D'ERIN

��I . Le doux prince Sundrim, triste et rjveur, le heau prince d'Érin et de Cornouaille», apr^s avoir longtemps erre de set rocs de Glamorgan •ux vagues du Ponant, quitta ms chlteiux et ses villes, ses lacs et ses plages. Il laissa les aubes pluvieuses et les couchans brumeux, Kiilala et Pembroke, — Lothian, Carmarthen et Radnor, Waterford et Lismore, — l'océan vert sur les roches vertes, la houle verte sur les prés verts de l'éme- raude Irlande. Et Sundrim s'en fut vers le Levant, la mer iEgée aux îles de rose et aux palais de marbre, — là où l'azur et l'or enchlssent, comme l'orbiie la prunelle, Athènes blanche et bleue, Salamine au rire d'argent, Rhodc orangée, et la fauve Lesbos, couronnée de pins noirs sous le ciel, comme le» cheveux roux ^e ceignent de violrne^ et de lierre.

1. El partout ou il lut, au iiiuitu uc utiiies, il nouirit le regret de ce qu'il n'avait pas. Partout, brûlant du désir d'étie, il rêva de n'être plus. Il s'accusait d'éire barbare: mais au fond de son cœur, il s'en vantait aussi. Et comme il avait voulu dans son humide Irlande, vivre i jamais sur. le sol d'or où croit la fleur du marbre, il languit dans la contrée lumineuse ven l'Irlande brumeuse et la forêt trempée de pluie.

i. Il se sentit périr d'avoir contenté son envie. Il la connut alors incontentable, — et qu'il est vain de vouloir vivre. Il vit que l'on ne peut toucher ensemble un bord de son désir et l'autre bord. Il mesura que l'océan du rêve, où l'on fait voile, les sépare; et que l'on gouverne sur l'unique abîme, si l'on prétend mouiller les ancres au port.

< . Quoiqu'il préférll ce qu'il eût, — cl qu'il avait voulu, — i -Î7-

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