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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/125

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Moi. — Ne voulez-vous donc pas qu’il dorme ?

Lui. — Vous me dites qu’il dort : Qu’en sais-je, pourtant ? et qu’en savez-vous ?

Moi. — Ô malheureux ! Vous frémissez ; vous vous déchirez aux soucis de la chair, comme un nouveau-né lancé sur les dents d’une herse.

Lui. — Chacun de nous est né d’hier pour son amour et pour la mort. Si je ne puis croire à la vie éternelle, à quoi donc croire, qu’à la chair. J’aime de toute manière. J’aime le corps à l’égal du cœur. J’aime tout ce que j’aime.

Moi. — Pour vous, plus que pour lui peut-être, il faudrait le rappeler à la vie.

Lui. — Ne le dites pas. Ô, ne lui préférez rien, si je vous suis cher.

Moi. — Déjà, il avait été déçu.