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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/172

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tout le côté droit du corps déchiré, l’engin a même frappé la tête : une ligne de plus, et déjà c’en était fait. Où quelques-uns de ses marins auraient pu laisser la vie, Jean Talbot, ayant vu le danger, a été seul au devant. Nul ne l’a dit, parce qu’il a lui-même dédaigné de le dire. On ne l’a su que plus tard. Et d’ailleurs, il n’en a pas eu la récompense que tout autre aurait reçue.

Déchiré de dix plaies, en proie à la fièvre et au délire, il a passé dix-sept jours sur le cadre de la cabine, dans un bateau de fer, qui vibre en marche comme un gong. Aigre grabat pour un blessé : trop court pour qu’il pût s’étendre de son long ; trop étroit pour s’y remuer. Pansé à la hâte, tant bien que mal, étouffant dans une cellule d’acier, les rêves du délire roulant au milieu du bruit militaire, de