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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/177

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Tout en lui est large, haut et grave ; il tient le front levé vers le soleil, et s’avance sans hâte. Il est aveugle ; il est calme et secourable. Il sourit à Jean Talbot qui le salue d’un mot amical et plaisant, comme il en abonde dans la langue polie de l’Orient jaune. Le vieillard se penche sur le blessé ; il le dépouille et, d’un pouce puissant, comme le sculpteur modèle la terre, il manie l’argile souffrante, le corps de l’homme. Il masse son malade avec un soin, un art, une force lente et sûre, une constance enfin inconnus partout ailleurs qu’aux îles du Soleil Levant. Il chante sur un mode bas et lent, tandis qu’il fait son office ; et le petit garçon, son guide, l’accompagne d’un fifre aigu et plaintif. Si c’était un mage en relations avec les esprits, ou un grand prêtre de Nikkô qui fît une incantation, ce vieillard ne serait