Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/46

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le voyage de la douleur. Marin, si souvent revenu d’outre-mer, c’est lui qui cette fois garde la terre. Ô pauvre voyageur, fallait-il donc que tu cesses si tôt de courir les vagues ? — Tu m’as précédé dans le repos. Où t’ai-je laissé, ce soir, hélas ? Battus de pluie, mes yeux cherchent dans l’obscurité un mur et des arbres : un mur noir à l’écart de la vie heureuse. Brisé dans tout mon être, je sors des mains de l’horrible bourreau qui t’a gardé. J’ai été mis à la question de l’impuissance. Je ne peux plus rien pour toi, et je m’en vais. Je pars comme un blessé qui s’évade, et fuit il ne sait où. Laissé, où t’ai-je laissé ? La nuit est tiède sous la lune ; et l’on chante dans la ville. Et toi… Va, c’est mon ombre qui te quitte : je reste où l’horreur s’accomplit.

Où est-il ? Qu’advient-il de lui, s’il est