Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/69

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Toute la nuit, j’ai été rendu à cet état de froid délire, où l’on juge dans une clarté déchirante des trahisons que le train fatal du moi exige. J’entends la pluie tomber sur les feuilles. J’écoutais ce bruit, comme absent de moi-même, ce bruit que fait en se vidant le sablier du ciel. Il pleut sur lui aussi, me disais-je. Chère victime, je te suis tout attaché ; je me dépouille, comme ces arbres, et de mon amour même s’il le faut ; mais non pas paisiblement comme ces arbres dont les feuilles meurent sur d’autres feuilles. Que ne puis-je périr ainsi, que ne puis-je perdre ton amour afin que ta vie reverdisse ? Ha, ne plus rien être pour toi, à condition que tu sois encore pour toi-même. Reprends, reprends moi de ton cœur, pourvu que tu revives. J’aurais tout consenti.

On ne traite point avec la mort. Elle