Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/88

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La sainte lâcheté de la vie


Pas un de nous ne croit à la mort. Pas un homme n’en est sûr, avant d’en avoir été frappé. Avant d’y être scellé, pas un qui y pense plus de quelques instants. La mort passe, comme l’obus dans le ciel d’une ville assiégée ; elle n’est pas pour nous, à moins que la bombe ne tombe sur notre tête, ou dans la rue, à deux pas ; alors, on se jette contre terre, et l’on attend qu’elle frappe : pour qui cet éclat ? dans le ventre du voisin ? dans le crâne de mon fils, ou dans mon cœur, à moi ?