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SUBMERSION DE LA VILLE D'IS

Le roi dort… un grand cri s’élève :
Le seuil par les flots est couvert.
L’Océan monte, se soulève ;
Le puis de l’abîme est ouvert !

Roi, levez-vous ; à cheval, Sire,
Des mourants écoutez le cri :
La mer envahit votre empire
Sire, à cheval et loin d’ici !

Maudite soit la fille impure ;
L’Océan, l’Océan grandit ;
La mort a lavé la souillure ;
Que son nom soit trois fois maudit !

— Forestier qui la nuit chemine
Forestier, Forestier, dis-moi,
Paré de son manteau d’hermine ;
Dans la nuit as-lu vu le Roi ?

— Oui, la nuit, sous un ciel splendide,
Je vois son ombre : s’effacer.
Trip, trep, prompt, comme un feu rapide,
Son cheval, je l’entends passer.

Ô pêcheur, en longeant les môles,
Vois-tu, sur le sable attiédi,
La sirène aux blanches épaules
Se peigner à aux feux du Midi ?

— Oui, je vois ta blanche sirène
Peigner, au sommet d’un rocher
Ses cheveux sur son front de Reine,
Et sur l’abîme se pencher…

Je vois des mers la blanche file,
Et de loin j’entends des sanglots ;
J’entends, sur la mer qui scintille
Ses chants plaintifs comme les flots…