Aller au contenu

Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de n’avoir pas repoussé la main qui répandait ses aumônes avec tant de discernement et de bonté !… Et puis encore, moi, pauvre prêtre, j’aimais la science, l’étude, et il n’y avait personne dans ce village avec qui je pusse m’entretenir, tandis que je trouvais dans le comte une des plus hautes intelligences que j’aie, je ne dirai pas connues, car j’ai bien peu expérimenté les hommes et la vie, mais que j’aie, si cela se peut dire, rencontrées dans les livres. Ses connaissances étaient vastes, profondes, presque universelles ; il paraissait avoir beaucoup vu et voyagé, et ne pas être demeuré étranger aux affaires publiques, car il résumait les rares questions politiques que le hasard amenait dans nos conversations avec une puissante et énergique concision ; son jugement était clair, perçant, allant droit au fond des choses, mais étrange et singulier en cela, qu’il paraissait dégagé, soit par réflexion, soit par indifférence, soit par mépris, de tout préjugé, de toute sympathie de cause ou de caste : cela était quelquefois bien effrayant d’impartialité, je vous l’assure, monsieur… Mais ce qui m’épouvantait toujours pour le comte, c’est que jamais je ne lui entendis prononcer un seul mot qui annonçât la moindre foi religieuse.