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Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/81

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promenades solitaires, complétaient ses journées.

Lorsque je partis pour ce funeste voyage pendant lequel je devais la perdre, ma mère ayant eu en songe comme un pressentiment de cette fatalité, me le dit ; mais nous le cachâmes à mon père : non qu’elle le craignit, mais il lui avait toujours imposé beaucoup par la gravité de son esprit, et elle redoutait surtout son ironie sévère, qui n’épargnait jamais les sentiments poétiques, exagérés ou romanesques.

Je ne pus donc embrasser ma mère une dernière fois : je ne parle pas de mes regrets ; c’était la seule personne au monde à laquelle j’osasse tout dire et tout confier. Ma tante et sa fille Hélène étaient venues habiter Serval depuis la mort de ma mère, et cela presque malgré mon père ; car, bien que sa santé parût s’altérer de plus en plus, son besoin habituel de solitude et de silence avait encore augmenté.

Je menais alors une vie bien triste et bien déchirante pour mon cœur : le matin, mon père me faisait venir auprès de son lit ; son valet de chambre lui apportait un grand coffre, où étaient renfermés les registres qui contenaient l’administration de nos biens, et chaque jour il me mettait au courant de toutes ses affaires