Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/125

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— En face de nous ? répéta machinalement Adrienne.

Et après s’être retournée vers madame de Morinval d’un air surpris, elle jeta les yeux du côté qu’on lui indiquait.

Elle regarda…

Que vit-elle ?… Djalma assis à côté d’une jeune fille qui lui faisait familièrement respirer le parfum de son bouquet.

Étourdie, frappée presque physiquement au cœur d’un coup électrique profond, aigu, Adrienne devint d’une pâleur mortelle… par instinct elle ferma les yeux pendant une seconde, afin de ne pas voir… de même que l’on tâche de détourner le poignard qui, vous ayant déjà frappé, vous menace encore.

Puis tout à coup, à sa sensation de douleur, pour ainsi dire matérielle, succéda une pensée terrible pour son amour et pour sa juste fierté.

— Djalma est ici avec cette femme… et il a reçu ma lettre, se disait-elle, ma lettre… où il a pu lire le bonheur qui l’attendait.

À l’idée de ce sanglant outrage, la rougeur de la honte, de l’indignation, remplaça la pâleur d’Adrienne qui, anéantie devant la réalité, se disait encore :

Rodin ne m’avait pas trompée.