Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/194

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coloré, mais inégalement et comme par marbrures ; puis, phénomène étrange ! ses yeux, en devenant de plus en plus brillants, avaient paru se creuser davantage ; sa voix vibrait saccadée, brève, stridente.

L’altération des traits de Rodin, dont il ne paraissait pas avoir conscience, était si remarquable, que les autres acteurs de cette scène le regardaient avec une sorte d’effroi.

Se trompant sur la cause de cette impression, Rodin, indigné, s’écria d’une voix çà et là entrecoupée par des élans d’aspiration profonde et embarrassée :

— Est-ce de la pitié pour cette race impie, que je lis sur vos visages ?… De la pitié !… pour cette jeune fille qui ne met jamais le pied dans une église, et qui élève chez elle des autels païens ?… De la pitié ! pour ce Hardy, ce blasphémateur sentimental, cet athée philanthrope qui n’avait pas une chapelle dans sa fabrique, et qui osait accoler le nom de Socrate, de Marc-Aurèle et de Platon à celui de notre Sauveur, qu’il appelait Jésus le divin philosophe ?… De la pitié ! pour cet Indien sectateur de Brahma !… De la pitié ! pour ces deux sœurs qui n’ont pas reçu le baptême ?… De la pitié ! pour cette brute de Jacques Rennepont ?… De la pitié ! pour ce stupide soldat impérial,