Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/218

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il balbutie quelques mots inintelligibles et tombe foudroyé sur le pavé avant que les tambours du premier rang eussent cessé de battre. La rapidité fulgurante de cette attaque effraya un moment les plus endurcis ; surprise de la brusque interruption du rappel, une partie de la foule courut par curiosité vers les tambours.

À la vue du soldat mourant que deux de ses compagnons soutenaient entre leurs bras, l’un des deux hommes qui, sous la voûte du parvis, avaient assisté au commencement de l’émotion populaire, dit aux autres tambours :

— Votre camarade a peut-être bu en route à quelque fontaine ?

— Oui, monsieur, répondit le soldat ; il mourait de soif, il a bu deux gorgées d’eau sur la place du Châtelet.

— Alors il a été empoisonné, dit l’homme.

— Empoisonné ? s’écrièrent plusieurs voix.

— Il n’y aurait rien d’étonnant, reprit l’homme d’un air mystérieux ; on jette du poison dans les fontaines publiques ; ce matin on a massacré un homme rue Beaubourg : on l’avait surpris vidant un paquet d’arsenic dans le broc d’un marchand de vin[1].

  1. On sait qu’à cette malheureuse époque plusieurs personnes furent massacrées sous le faux prétexte d’empoisonnement.