Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/318

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Peu de jours s’étaient passés depuis que le père d’Aigrigny avait été si courageusement arraché par Gabriel à la fureur populaire. Trois ecclésiastiques portant des robes noires, des rabats blancs et des bonnets carrés, se promenaient dans le jardin d’un pas lent et mesuré ; le plus jeune de ces trois prêtres semblait avoir trente ans ; sa figure était pâle, creuse, et empreinte d’une certaine rudesse ascétique ; ses deux compagnons, âgés de cinquante à soixante ans, avaient, au contraire, une physionomie à la fois béate et rusée ; leurs joues luisaient au soleil, vermeilles et rebondies, tandis que leurs trois mentons, grassement étagés, descendaient mollement jusque sur la fine batiste de leurs rabats. Selon les règles de leur ordre (ils appartenaient à la société de Jésus), qui leur défend de se promener seulement deux ensemble, ces trois congréganistes ne se quittaient pas d’une seconde.

— Je crains bien, disait l’un des deux en continuant une conversation commencée et parlant d’une personne absente, je crains bien que la continuelle agitation à laquelle le révérend père a été en proie depuis que le choléra l’a frappé, n’ait usé ses forces… et causé la dangereuse rechute qui aujourd’hui fait craindre pour ses jours.

— Jamais, dit-on, reprit l’autre révérend