Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/360

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perçut, mais trop tard, qu’il avait été joué et qu’il s’était gravement compromis, non par ses paroles, mais par un mouvement de surprise et d’effroi dangereusement significatif.

En effet, le jésuite avait craint un instant de s’être trahi pendant son délire, en s’entendant accuser d’intrigues ténébreuses avec Rome ; mais, après quelques minutes de réflexion, le jésuite, malgré l’affaiblissement de son esprit, se dit avec beaucoup de sens :

« Si ce rusé Romain avait mon secret, il se garderait bien de m’en avertir ; il n’a donc que des soupçons, aggravés par le mouvement involontaire que je n’ai pu réprimer tout à l’heure. »

Et Rodin essuya la sueur froide qui coulait de son front brûlant. L’émotion de cette scène augmentait ses souffrances et empirait encore son état, déjà si alarmant. Brisé de fatigue, il ne put rester plus longtemps assis dans son lit et se rejeta en arrière sur son oreiller.

Per Bacco ! se dit tout bas le cardinal, effrayé de l’expression de la figure du jésuite, s’il allait trépasser avant d’avoir rien dit, et échapper ainsi à mon piége si habilement tendu ?

Et se penchant vivement vers Rodin, le prélat lui dit :

— Qu’avez-vous donc, mon très-cher père ?