Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/450

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Mais chez cette jeune fille d’une âme si délicate, d’un caractère si généreux, d’un esprit si juste et si droit, la réflexion, le bon sens, devaient bientôt démontrer la vanité de pareilles consolations, bien impuissantes à guérir les cruelles blessures de son amour et de sa dignité si cruellement atteints.

— Que de fois, se disait Adrienne avec raison, le prince a affronté à la chasse, par pur caprice et sans raison, un danger pareil à celui qu’il a bravé pour ramasser mon bouquet ! et encore… qui me dit que ce n’était pas pour l’offrir à la femme dont il était accompagné ?

Peut-être étranges aux yeux du monde, mais justes et grandes aux yeux de Dieu, les idées qu’Adrienne avait sur l’amour, jointes à sa légitime fierté, étaient un obstacle invincible à ce qu’elle pût jamais songer à succéder à cette femme (quelle qu’elle fût d’ailleurs) que le prince avait affichée en public comme sa maîtresse.

Et pourtant Adrienne osait à peine se l’avouer, elle ressentait une jalousie d’autant plus pénible, d’autant plus humiliante, contre sa rivale, que celle-ci semblait moins digne de lui être comparée.

D’autres fois, au contraire, malgré la conscience qu’elle avait de sa propre valeur, ma-