Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/464

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cule. Non… non ; et malgré la délicatesse de son attachement pour moi, tout en me plaignant, ma bienfaitrice me blessera sans le savoir, car les maux frères peuvent seuls se consoler… Hélas ! pourquoi ne m’a-t-elle pas laissée mourir ?

Ces réflexions s’étaient présentées à l’esprit de la Mayeux aussi rapides que la pensée. Adrienne l’observait attentivement : elle remarqua soudain que les traits de la jeune ouvrière, jusqu’alors de plus en plus rassérénés, s’attristaient à nouveau, et exprimaient un sentiment d’humiliation douloureuse. Effrayée de cette rechute de sombre accablement, dont les conséquences pouvaient devenir funestes, car la Mayeux, encore bien faible, était pour ainsi dire sur le bord de la tombe, mademoiselle de Cardoville reprit vivement :

— Mon amie… ne pensez-vous donc pas comme moi… que le chagrin le plus cruel… le plus humiliant même, est allégé… lorsqu’on peut l’épancher dans un cœur fidèle et dévoué ?

— Oui… mademoiselle, dit amèrement la jeune ouvrière ; mais le cœur qui souffre et en silence devrait être seul juge du moment d’un pénible aveu… Jusque-là il serait plus humain peut-être de respecter son douloureux secret… si on l’a surpris.