bornes, ne se souvenant que de notre haine mutuelle… pouvait me chercher, me rencontrer…
— Eh bien ! après ?… fit Rodin.
— Eh bien !… il pouvait oublier… que je suis prêtre… et…
— Ah ! vous avez peur ?… dit dédaigneusement Rodin en interrompant le père d’Aigrigny.
À ces mots de Rodin : « Vous avez peur, » le révérend père bondit sur sa chaise ; puis, reprenant son sang-froid, il ajouta :
— Votre Révérence ne se trompe pas ; oui, j’aurais peur… oui… dans une circonstance pareille… j’aurais peur d’oublier que je suis prêtre… et de trop me souvenir que j’ai été soldat.
— Vraiment ? dit Rodin avec un souverain mépris ; vous en êtes encore là… à ce niais et sauvage point d’honneur ? Votre soutane n’a pas éteint ce beau feu ? Ainsi, ce sabreur, dont j’étais bien sûr de détraquer la pauvre cervelle, vide et sonore comme un tambour, en prononçant quelques mots magiques pour ces batailleurs stupides : « Honneur militaire… serment… Napoléon II », ainsi, ce sabreur se fût porté contre vous à quelque violence, qu’il vous eût fallu faire un grand effort pour rester calme ?