Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment provoquer un refus ; ainsi en arriva-t-il. Le père d’Aigrigny n’essaya pas d’abord de surprendre la confiance de M. Hardy, il ne lui dit pas un mot de ses chagrins ; mais, chaque fois qu’il le vit, il parut lui témoigner un tendre intérêt par quelques mots simples, profondément sentis. Peu à peu ces entretiens, d’abord assez rares, devinrent plus fréquents, plus longs : doué d’une éloquence mielleuse, insinuante, persuasive, le père d’Aigrigny prit naturellement pour thème les désolantes maximes sur lesquelles se fixait souvent la pensée de M. Hardy.

Souple, prudent, habile, sachant que jusqu’alors ce dernier avait professé cette généreuse religion naturelle qui prêche une reconnaissante adoration pour Dieu, l’amour de l’humanité, le culte du juste et du bien, et qui, dédaigneuse du dogme, professe la même vénération pour Marc-Aurèle que pour Confucius, pour Platon, que pour le Christ, pour Moïse que pour Lycurgue, le père d’Aigrigny ne tenta pas tout d’abord de convertir M. Hardy ; il commença par rappeler sans cesse à la pensée de ce malheureux, chez qui il voulait tuer toute espérance, les abominables déceptions dont il avait souffert. Au lieu de lui montrer ces trahisons comme des exceptions dans la vie ; au lieu