Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/498

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félicita en comparant sa vigoureuse carrure à la maigreur du maréchal, presque épuisé par le chagrin ; car, dans un pareil combat, combat brutal, sauvage, corps à corps, la force physique est d’un avantage immense.

En un instant le père d’Aigrigny eut enroulé son mouchoir autour de la lame d’épée qu’il avait ramassée, et il se précipita sur le maréchal Simon, qui reçut intrépidement le choc.

Pendant le peu de temps que dura cette lutte inégale, car le maréchal était depuis quelques jours en proie à une fièvre dévorante qui avait miné ses forces, les deux combattants, muets, acharnés, ne dirent pas un mot, ne poussèrent pas un cri. Si quelqu’un eût assisté à cette scène horrible, il lui eût été impossible de dire où et comment se portaient les coups : il aurait vu deux têtes effrayantes, livides, convulsives, s’abaisser, se redresser, ou se renverser en arrière selon les incidents du combat, les bras se roidir comme des barres de fer ou se tordre comme des serpents, et puis, à travers les brusques ondulations de la redingote bleue du maréchal et de la soutane noire du jésuite, parfois luire et reluire comme un vif éclair d’acier ;… il eût enfin entendu un piétinement sourd, saccadé, ou de temps à autre quelque aspiration bruyante…