Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 1.djvu/138

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— J’accepte, monsieur, — répondit le marchand ; — j’ajouterai ce casque à deux autres souvenirs qui me viennent de votre famille.

— De ma famille ! — s’écria M. de Plouernel stupéfait. — De ma famille !… Vous la connaissez ?

— Hélas ! monsieur… — répondit le marchand d’un air pensif et mélancolique, — ce n’est pas la première fois que depuis des siècles un Néroweg de Plouernel et un Lebrenn se sont rencontrés les armes à la main.

— Que dites-vous, monsieur ? — demanda le comte de plus en plus surpris. — Je vous en prie ! expliquez-vous…

Deux coups frappés à la porte interrompirent l’entretien de M. Lebrenn et de son hôte.

— Qui est là ? — dit le marchand.

— Moi, père.

— Entre, mon enfant.

— Père, — dit vivement Sacrovir, — plusieurs amis sont en bas ; ils arrivent de l’Hôtel de ville. Ils vous attendent.

— Mon enfant, — reprit M. Lebrenn, — tu es connu comme moi dans la rue ; tu vas accompagner notre hôte, en passant par le petit escalier qui aboutit sous la porte cochère, afin de ne pas passer par la boutique.

— Oui, père.

— Tu ne quitteras monsieur de Plouernel que lorsqu’il sera rentré chez lui, et tout à fait en sûreté.

— Soyez tranquille, mon père ; je viens déjà de traverser deux fois les barricades… Je réponds de tout.

— Pardon, monsieur, si je vous quitte ; — dit le marchand à M. de Plouernel. — Mes amis m’attendent…

— Adieu, monsieur… — dit le colonel d’une voix pénétrée. — J’ignore ce que l’avenir nous réserve ; nous pouvons nous retrouver encore dans des camps opposés ; mais, je vous le jure, je ne pourrai désormais vous regarder comme un ennemi.