Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 10.djvu/310

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— Fort bien, mon révérend… le supplice par le feu, ainsi qu’on le pratiquait d’habitude, tuait trop vite le patient !

— Beaucoup trop vite… au bout de quelques minutes à peine la flamme l’étouffait…

— De sorte, mon révérend, — reprit le franc-taupin avec une sombre ironie, — de sorte que, grâce à cette nouvelle et royale invention de notre sire très-chrétien François Ier, que Dieu garde… on laisse au patient le temps de respirer… le loisir de brûler lentement… de savourer le fagot, de humer la flamme…

— C’est cela même, mon cher frère, votre expression est fort heureuse : savourer le fagot… humer la flamme !

— L’on ne saurait jamais donner à ces damnés un trop vif avant-goût de l’enfer… et, moyennant la machine royale de notre sire, les supplices seront infiniment prolongés ?

— On espère vingt à trente minutes de durée ; mais… — ajouta le Mathurin avec un sourire de béate malice, — mais il faut toujours un peu rabattre des assertions des inventeurs, mettons un bon quart d’heure…

— Ce sera toujours dix à douze minutes de gagnées, mon révérend… puisque avant que notre sire très-chrétien eût daigné, dans sa sainte haine de l’hérésie, s’occuper de ces menus détails de bourreau, le patient ne durait que quatre à cinq minutes.

— Évidemment ; or, dix à douze minutes de prolongation de supplice, c’est énorme.

— Énorme, mon révérend, — répondit le franc-taupin, — et il se dit : — Mort-de-ma-sœur ! le jour venu… quelles représailles ! oh ! quelles représailles ! ! !

Odelin, immobile sous son froc, écoutait cet horrible entretien avec une terreur muette. Le supérieur des Mathurins reprit s’adressant au franc-taupin :

— Il y a trois bûchers pareils dressés aujourd’hui dans Paris : celui que nous voyons, un second au pilier des Halles, un troisième à