Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/160

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— À genoux !… et demande pardon de ton insolence…

— Siomara, écoute, — balbutia Mont-Liban, dont le trouble et la confusion augmentaient : — je veux t’expliquer…

— À genoux d’abord… Repens-toi de ton insolence… tu parleras ensuite, si je le veux…

— Siomara ! — reprit le gladiateur en joignant les mains d’un air suppliant, — un mot… un seul…

— À genoux… — reprit-elle impatiemment, — à genoux donc !…

L’Hercule, avec la docilité craintive de l’ours à la chaîne qui obéit à son maître, s’agenouilla en disant :

— Me voilà donc à genoux… moi, Mont-Liban… moi, qui vois à mes pieds les plus grandes dames d’Orange…

— Et c’est sur elles que je marche en marchant sur toi… — dit Siomara avec un geste de dédain superbe. — Baisse la tête… plus bas… plus bas encore !…

Le géant obéit, se prosterna la face presque sur la dalle… Alors Siomara, appuyant le bout de sa petite sandale brodée sur la nuque de ce taureau, lui dit :

— Te repens-tu de ton insolence ?

— Je m’en repens…

— Maintenant, hors d’ici ! — ajouta Siomara en le repoussant du pied, — hors d’ici au plus vite, et n’y rentre jamais !

— Siomara… tu méprises mon amour ! — reprit le gladiateur en se redressant sur ses genoux, où il resta un moment l’air implorant et désolé, — et pourtant je ne donne pas un coup d’épée sans prononcer ton nom ! je n’égorge pas un vaincu sans t’en faire honneur ! Je me ris de toutes les femmes qui me poursuivent de leur amour… Et, quand je me trouve trop malheureux de tes dédains, je vais m’enivrer dans les tavernes…

— Oui, — ajouta l’eunuque, — et il casse ensuite les pots sur la tête des cabaretiers.

— C’est ta faute, Siomara, — reprit le géant d’une voix lamentable.