Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/143

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caserne à la garnison de la bastille et de logement à ses capitaines. La lutte continue acharnée, sans merci ni pitié, à travers les espèces de rues qui séparent ces vastes constructions de bois ; chaque demeure des chefs, chaque caserne, devient une redoute qu’il faut emporter. Les Français, enflammés par la présence de la Pucelle, les attaquent, les enlèvent ; les Anglais survivants à la furie de ce premier assaut défendent le terrain pied à pied, parviennent à se retirer en bon ordre dans l’église qui couronne la redoute, église aux murailles épaisses surmontée d’un haut clocher. Retranchés dans ce fort, dont ils barricadent intérieurement la porte, leurs excellents archers, abrités par les murs de l’édifice, visant à travers d’étroites meurtrières, criblent les assaillants de leurs traits ; d’autres Anglais, postés sur la plate-forme du clocher, font rouler sur l’ennemi des pierres énormes dont provision a été faite à l’avance. Les Français, réunis en masse sous les contre-forts de l’église et complétement découverts, sont écrasés, décimés, par des ennemis invisibles dont pas une flèche ne manque son but. La Pucelle voit l’hésitation succéder à l’entraînement des siens ; elle s’élance sa bannière à la main.

— Enfoncez la porte ! entrons hardiment dans l’église ; elle est à nous, de par Dieu !…

Maître Jean et quelques hommes déterminés attaquent, mais en vain, à coups de hache la porte revêtue d’une armature de fer, tandis qu’une grêle de traits, lancés par d’étroites ouvertures pratiquées dans un bâtiment en retour, pleuvent sur le coulevrinier et ses compagnons ; plusieurs d’entre eux tombent à ses côtés, un vireton lui perce le bras. Les Anglais retranchés au sommet de la tour de l’église scient la charpente de la toiture du clocher, puis, à l’aide de leviers, la renversent sur les assaillants ; grand nombre d’entre eux sont ensevelis sous cette avalanche de pierres, d’ardoises, de chaîneaux de plomb et de poutres ; les survivants vont céder à la panique.

— En avant ! — s’écrie Jeanne ; — nous manquions de poutres, les goddons nous en envoient !… Prenez le plus gros de ces ma-