Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/10

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« Touchantes preuves de sollicitude qui m’accompagnèrent jusqu’à ma sortie de la salle.

 

« Huit jours après ce dernier triomphe, je perdais mon pauvre père ; la douleur de me voir d’abord si moqué, puis sa frayeur de me voir ensuite rapporter tout ensanglanté, lui causèrent une telle révolution, qu’en quelques jours il succomba.

« M. Raymond, en homme habile, avait vendu sa maison d’éducation au moment où elle atteignait ce point de faveur qui ne peut que décroître. Pendant que j’assistais à l’agonie et à la mort de mon pauvre père, M. Raymond, après avoir installé son successeur à sa place, était parti pour la Touraine où il comptait se reposer désormais de ses travaux : j’avais seulement reçu de lui un petit mot où il me disait que, craignant de me distraire des pénibles préoccupations qui me retenaient auprès de mon père, il partait à son grand regret sans me voir, mais qu’il m’avait particulièrement recommandé à son successeur.

« Somme toute, je n’étais plus bon à rien à M. Raymond, et il était enchanté de cette occasion de se débarrasser de moi.

« Mes relations avec son successeur furent très-courtes et très-simples ; c’était un homme froid, parfaitement poli, mais, à ce qu’il m’a paru, détestant d’encourager les illusions et allant droit au fait.

« Voici à peu près son langage :

« — Cher monsieur Requin, vous avez été le meilleur élève de la pension Raymond, vos brillantes études sont finies, la mort de M. votre père vous laisse complétement maître de vous-même. Cependant si vous ne jugiez pas à propos de quitter tout de suite cette maison dont vous avez été l’orgueil, je serais heureux de vous prouver l’estime que je fais de vous, l’un des plus brillants élèves de l’Université, en vous offrant une place au dortoir et au réfectoire de la maison, pendant… quinze jours… Après quoi, cher monsieur Requin, croyez que mes vœux vous accompagneront toujours dans la carrière que vous jugerez à propos de suivre.