Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/170

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Je me précipitai sur Robert qui prit bravement une carafe, et me la jeta à la tête ; j’évitai le coup, et enserrant mon adversaire à bras-le-corps, leste et vigoureux comme je l’étais devenu, je le terrassai facilement, tandis que Scipion, naturellement courageux, se cramponnait à mes jambes, et tâchait de me mordre ; mais, mon genou appuyé sur la poitrine de Robert, et une de mes mains suffisant à le contenir, de l’autre main j’attrapai Scipion par ses longs cheveux, et je parvins à le maintenir aussi en respect, tandis que Basquine, obéissant à la voix de Bamboche, sautait sur Régina, dont elle serrait fortement les deux bras, lui disant :

— Ne bougez pas… je ne vous ferai pas de mal.

Tout ceci s’était passé avec une extrême rapidité.

Lorsque nous eûmes ainsi machinalement obéi aux ordres de Bamboche, nous regardâmes où il en était avec la gouvernante.

La pauvre femme, livide d’épouvante, et facilement maîtrisée par Bamboche, très-robuste et très-grand pour son âge, se laissait attacher par lui à un arbre, au moyen d’une longue écharpe de soie qu’elle portait.

Tirant alors de dessous sa blouse ses petits pistolets qu’il nous avait montrés lors de la mort de Lucifer, Bamboche les fit voir à la gouvernante, et lui dit :

— Si vous poussez un cri… je vous brûle la cervelle !

La vue de ces armes porta le comble à la terreur de la gouvernante ; elle ferma les yeux, s’affaissa sur elle-même comme un corps inerte, seulement, de temps à autre, agité par un tremblement convulsif.

Bamboche, s’approchant alors de la table, y déposa ses armes, prit une carafe renfermant du vin de Madère, je crois, en remplit trois verres jusqu’au bord, puis s’adressant à moi et à Basquine :

— Laissez-les… ces petites canailles… elles ne bougeront pas ou sinon…

Et il montra ses deux pistolets.

À cette effrayante menace, Robert et Scipion lui-même, malgré sa bravoure, restèrent immobiles d’épouvante, tandis que Régina,