Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/193

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— Écoute encore… J’ai le désir de te garder auprès de moi, mais je ne puis te contraindre. Si tu acceptes, il faut que ce soit librement… volontairement… car, à chaque instant du jour, tu pourras quitter cette maison. Ainsi… réfléchis… et prends un parti…

Ce triste et laborieux avenir m’effrayait, je ne répondis pas, et pourtant je me sentais profondément touché des bontés de Claude Gérard, qui reprit :

— Maintenant voici ce que je te propose pour ton camarade et pour la pauvre enfant qui l’accompagne.

Je regardai l’instituteur avec surprise.

— Il est de bonne heure encore… la nuit est claire, cette fenêtre est basse… si tu sais où rejoindre tes compagnons, va les trouver.

Et Claude Gérard ouvrit la fenêtre.

La lune était brillante, je vis au loin la campagne, et, à l’extrême horizon, le coteau assez élevé que coupait la grande route où Basquine, Bamboche et moi, nous nous étions donné rendez-vous auprès d’une croix de pierre.

Ne comprenant pas les intentions de Claude Gérard, je restais stupéfait.

Il continua.

— Si tes compagnons éprouvent encore le désir de revenir à une vie meilleure… dis-leur que je trouverait deux personnes… qui feront pour eux ce que je t’offre de faire pour toi… mais que, comme la tienne… la condition qui les attend est pauvre et rude… Tu leur diras aussi… que l’argent qu’ils m’ont pris ne m’appartient pas… que ce vol peut me causer de cruels chagrins. Si tes compagnons ont encore quelque chose dans le cœur, ils reviendront ici… avec toi… ils me rapporteront cet argent qui serait bientôt follement dépensé par eux… et ils auront ici un asile, du pain, de bons enseignements… et vous ne serez pas séparés :

— Nous ne serons pas séparés ? — m’écriai-je.

— Non… tes camarades, je l’espère, logeront dans ce village… vous passerez dans cette école vos journées ensemble. Si, au contraire, tes compagnons… persistent dans le mal… laisse-les… Si toi-même,