Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/197

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— Grâce à l’agilité de ma course et malgré la rapidité de la montée, j’arrivai en quelques minutes au pied de la croix.

Mes compagnons ne s’y trouvaient pas.

En vain je jetai les yeux au loin, car le point culminant où je me trouvais dominait les deux montées opposées de la route ; je ne vis personne ; le cœur brisé, j’appelai… je criai.

Aucune voix ne répondit à mes appels, à mes cris.

Alors, épuisé de fatigue, haletant, désespéré, je me jetai au pied de la croix en fondant en larmes… souffrant mille morts de l’odieux abandon de mes compagnons. Soudain je sentis mes mains, qui touchaient le sol, toutes mouillées : je regardai à côté de moi et Je vis comme une large mare noirâtre au milieu de laquelle j’aperçus un assez grand morceau d’étoffe blanchâtre ; … je le pris, et trois pièces de cinq francs qu’il cachait brillèrent à la clarté de la lune…

Mais quel fut mon effroi, lorsque, dans le morceau d’étoffe, je reconnus le mauvais petit châle que Basquine portait le jour même !… Ce petit châle était ensanglanté, car cette humidité noirâtre où j’avais mouillé mes mains, c’était une mare de sang…

Ce châle, ces trois pièces d’argent tombées par hasard ou oubliées là, me prouvaient assez que Basquine et Bamboche, fidèles au rendez-vous donné, s’y étaient rendus après le vol pour m’attendre ; mais que leur était-il arrivé ensuite ? Était-ce le sang de Basquine ? Était-ce le sang de Bamboche qui trempait la terre ? Par suite de quel mystérieux événement ce sang avait-il été répandu ?

Toutes ces pensées effrayantes se heurtaient à la fois dans mon esprit. Je sentis mes idées se troubler, j’eus comme un vertige, et je tombai sans connaissance au pied de la croix, tenant entre mes mains le petit châle de Basquine.