Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/221

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sur son bras un petit manteau, et un chapeau d’enfant ; il s’approcha de la servante et lui dit sèchement :

— Allons, Gertrude, la cérémonie est finie, vous savez les ordres de M. le baron ?

Gertrude lui montra d’un regard suppliant Régina toujours agenouillée.

— Elle ne restera pas là toute la journée, n’est-ce pas ? — dit le mulâtre. — Un quart d’heure de plus, un quart d’heure de moins ne sont rien… Et, vous le savez, les ordres de M. le baron sont exprès…

— Régina… — dit la vieille servante d’une voix entrecoupée de sanglots, — il faut partir… vous vous rendrez malade… venez, venez…

L’enfant fit un signe de tête négatif et resta immobile.

— On ne peut pas non plus l’arracher de la tombe de sa mère, — dit Gertrude au mulâtre ; — que voulez-vous que je fasse ?

Le mulâtre haussa les épaules, et, s’approchant de l’enfant, lui dit :

— Mademoiselle… j’ai l’ordre de vous ramener aussitôt que tout cela sera fini… M. le baron, votre père, le veut ainsi… veuillez donc me suivre.

Régina ne changea pas de position.

— Mademoiselle, — reprit le mulâtre, — je vous en prie… venez… ou je serai obligé de vous emporter.

L’enfant ne bougea pas.

— Il faut en finir pourtant, — dit le mulâtre.

Et il s’approcha vivement afin sans doute de la prendre entre ses bras.

Je m’attendais à des pleurs, à des débats pénibles… il n’en fut rien…

Régina se laissa emporter sans aucune résistance, sans prononcer une seule parole.

Seulement, lorsqu’elle fut entre les bras du mulâtre, elle tourna la tête vers la fosse… sur laquelle elle continua d’attacher un regard fixe, obstiné, comme celui dont elle avait suivi le cercueil… Tant qu’il lui fut possible d’apercevoir la terre fraîchement remuée, l’en-