Page:Sue - Les misères des enfants trouvés II (1850).djvu/234

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Deux ou trois fois cependant, au milieu de ces rudes épreuves, tout malheureux enfant abandonné, vagabond, mendiant que naguère j’étais encore, je sentis mon cœur se révolter, mon front rougir de colère en entendant de dures et méprisantes paroles accompagner la dédaigneuse aumône qu’on nous jetait… Mais, à ma surprise croissante, l’inaltérable sérénité de Claude Gérard ne se démentait pas, et, par son attitude, par son maintien, par sa physionomie, il semblait ne pas soupçonner un moment que l’on pût songer à l’humilier. Cette conscience d’être toujours au-dessus de l’outrage n’est-elle pas quelquefois le comble de la dignité ?

Nous revînmes à l’école, mon panier et le sac de Claude Gérard à peu près remplis.

Le jour tirait à sa fin ; la neige, continuant de tomber abondamment, s’était, durant notre absence, amoncelée devant la porte de l’étable. Claude Gérard, voulant déblayer l’entrée, chercha la pelle que nous avions oubliée au cimetière, ainsi que la houe, après avoir creusé et comblé la fosse de la mère de Régina.

— La pelle est restée près de l’arbre vert dans le cimetière, — dis-je à Claude Gérard, — je vais aller la chercher, Monsieur.

— Soit, mon enfant, — me répondit-il, — car si la neige s’amoncelle en dehors de l’étable, au moindre dégel nous serons inondés ; mais trouveras-tu bien ton chemin ?

— Oh ! oui, Monsieur, soyez tranquille, — et je me dirigeai rapidement vers le cimetière.



    « … On peut remarquer que, dans les quatre premières communes de ce canton, il n’est pas question de rétribution pécuniaire : les instituteurs vivent de ce que les parents veulent bien leur donner lors de chaque récolte.

    « — Les instituteurs se contentent d’une certaine quête qu’ils font chez l’un et chez l’autre. Supposez, dans la saison des vendanges, M. l’instituteur allant de porte en porte, avec une brocotte, mendier quelques litres de vin, le plus souvent donnés de mauvaise grâce. (Seine-et-Oise. — Étampes.) Il y a, dans plusieurs localités, un mode de rétribution qui renferme quelque chose d’humiliant pour l’instituteur, en l’assimilant en quelque sorte à l’individu qui tend la main pour recevoir la récompense de ses peines… et quelle récompense !… des pois ! »